Chaque novembre, depuis 45 ans, le Labrador Creative Arts Festival accueille les collectivités de la région à Happy Valley-Goose Bay, afin de participer à des ateliers artistiques et des performances, des présentations et des expositions qui mettent en valeur la production artistique au niveau scolaire et communautaire. Pour réunir ces collectivités isolées et très différentes tout en respectant les restrictions liées à la pandémie, il a fallu réaliser des acrobaties technologiques et faire preuve de beaucoup de créativité dans la résolution de problèmes, compte tenu de la connectivité internet instable, voire non existante.
Le Labrador abrite plusieurs collectivités innues, inuites et nunatukavutes, éparpillées à travers le territoire, surtout dans les régions côtières, tandis que l’ouest du Labrador abrite des collectivités minières. Les interactions entre les résidents de la région sont extrêmement rares, principalement en raison des contraintes logistiques et de la vaste étendue du Labrador. Selon Tim Borlase, fondateur du Labrador Creative Arts Festival, le but du festival était de créer un événement qui permettait non seulement d’accroître les contacts entre ces collectivités, mais aussi d’aménager un espace de création d’œuvres d’art originales et véritablement représentatives de toutes les cultures du Labrador, afin que ces œuvres puissent être partagées et faire l’objet de discussions publiques.
Tout au long de la semaine que dure ce festival, on propose une foule de projets communautaires. Des œuvres créées par les élèves sont jouées sur scène et dans les écoles, on organise des expositions itinérantes de photos et d’œuvres réalisées par les élèves, des textes des élèves sont publiés, en plus de quoi des artistes professionnels de différentes disciplines offrent des ateliers. Certains des artistes de passage se rendent dans chacune des collectivités. Compte tenu de leur isolement, l’avion demeure la meilleure manière d’atteindre ces collectivités, mais la météo imprévisible et le terrain montagneux ne permettent pas toujours ces déplacements.
Le festival, qui mise beaucoup sur l’interaction en personne, a été durement touché par les mesures de distanciation physique. L’internet demeure instable, surtout dans les régions nord et sud-est, et l’arrivée de la pandémie a aggravé des situations contre lesquelles la population luttait déjà. Les organisateurs du festival n’ont pas tardé à réaliser qu’il serait impossible de proposer certains des ateliers en ligne, et qu’il leur faudrait éliminer toute forme de déplacement. Il fallait trouver une solution créative pour doter le festival d’un espace en ligne qui saurait répondre à leurs besoins. C’est alors que le producteur de films Jamie Lewis a reçu pour mandat de faire en sorte que le contenu en ligne soit accessible à toutes les communautés scolaires ciblées.
Lewis savait bien que que dans la sphère technologique, chacun est plus ou moins novice, et que les logiciels et les programmes évoluent constamment. Pour assurer la réussite de l’événement, il était donc essentiel de se montrer accommodant et tenir compte de la disparité des compétences techniques des participants. On a donné aux artistes et aux écoles le plein contrôle créatif au moment d’enregistrer. Il était essentiel que les artistes jouissent d’une liberté absolue à cette étape, afin qu’ils puissent employer les ressources qui leur étaient le plus familières.
Tout le contenu a été hébergé sur une page YouTube, et le festival a eu recours à d’autres services Google (tels que Google Classroom) pour faciliter l’interaction avec les écoles. Toutefois, Lewis tenait à souligner qu’il ne s’agissait pas nécessairement de la meilleure plateforme, mais de celle qui était le mieux adaptée à la situation, ajoutant qu’au moment de choisir une plateforme, il est important de « savoir qui sera l’utilisateur et quelle est la meilleure manière de lui transmettre les matériaux. »
Selon Sandra Broomfield, coordonnatrice du festival, l’intégrité et la confidentialité étaient deux facteurs clés lors de la création de cet événement. En effet, il fallait s’assurer de protéger toutes les œuvres, de même que toute information personnelle. L’accès à la page YouTube était limité aux participants, et aucune information n’a été partagée par d’autres moyens. De plus, certaines procédures techniques et bureaucratiques ont été mises en place pour assurer encore davantage la sécurité des participants, y compris divers documents qu’il a fallu faire signer pour répondre aux exigences du district scolaire anglophone de Terre-Neuve et Labrador. Même si ces démarches étaient fastidieuses, le résultat fut positif, car les artistes semblaient exprimer plus aisément leur créativité au moment de s’enregistrer, tout le travail réalisé par Jamie Lewis et l’équipe d’organisateurs pour assurer la confidentialité ayant créé un sentiment de confiance.
La réaction à l’événement dans son ensemble fut spectaculaire, et certains des modèles virtuels testés cette année seront adoptés pour les éditions futures, puisqu’ils ont permis une participation accrue de la part des collectivités qui, jusqu’à présent, n’avaient pas été en mesure de se rendre au festival. Cette année, les 23 collectivités de la région ont pu y prendre part, tandis que par le passé, seulement 14 d’entre elles avaient participé. L’organisation d’un festival au milieu d’une pandémie était difficile, mais la plupart des obstacles ont pu être surmontés grâce à la force de « l’amour et de la passion », comme l’a dit Lewis, pour offrir un événement réussi.
Cet article est basé sur des informations partagées à l’occasion d’un débat d’experts présenté le 27 avril par le Réseau canadien pour les arts et l’apprentissage, auquel participaient l’École de musique de l’Orchestre symphonique de Vancouver et le Labrador Creative Arts Festival. Le principal objectif de cette rencontre était d’explorer et de discuter des défis relevés par ces deux organisations très différentes dans leurs efforts visant à maintenir la participation et les contacts avec leurs clientèles respectives, et à offrir des expériences significatives malgré les contraintes liées à la pandémie.
Par Lynn Medi